Dans cette section, nous étudierons une seconde “multiplication”, définie pour des vecteurs dans \(\R^3\) (contrairement au produit scalaire qui est défini sans égard à la dimension des vecteurs). Le produit vectoriel est souvent défini au moyen de ses applications en physique, mais il a aussi une très claire interprétation géométrique. L’approche qu’on retient relève plutôt de l’algèbre linéaire : on tire profit des propriétés des déterminants.
Étant donné deux vecteurs fixes \(\va,\vb\in \R^3\text{,}\) on peut définir une application \(\phi :\R^3 \to \R\) par la formule
\(|\va \times \vb| = |\va|\, |\vb|\, \sin \theta\text{,}\) où \(\theta\in [0, \pi]\) est l’angle (non orienté) formé par \(\va\) et \(\vb\text{.}\) En particulier, \(\va\) et \(\vb\) sont parallèles si et seulement si \(\va \times \vb = \vZero\text{.}\)
Démonstration.
Cela suit de ce que pour tout \(\vx\in \R^3\text{,}\) on a \(\text{det} (\vx,\va, \vb) = - \det (\vx,\vb, \va)\text{.}\)
Comme ceci est vrai pour tout \(\vx\in\R^3\text{,}\) on obtient la conclusion voulue 2
En effet, s’il est vrai que la loi de simplification pour le produit scalaire n’est pas valide, il est vrai que si \(\vx \cdot \vv = \vx \cdot \vu\) pour tout \(\vx \in \R^n\text{,}\) alors \(\vv = \vu\text{.}\)
.
Écrivons \(\va \times \vb = x\vi + y \vj + z \vk\text{.}\) Nous avons alors
et le résultat suit de ce que \(1-\cos^2 \theta = \sin^2\theta\text{,}\) et nous considérons l’angle \(\theta \in [0,\pi]\text{,}\) de sorte que son sinus est positif.
Remarquons qu’il est usuel de définir le produit vectoriel au moyen de la formule de la propriété 3. La vérification des autres propriétés est alors un exercice de calcul, plutôt fastidieux et pas très édifiant.
La formule 4 fournit une façon concise d’écrire le produit vectoriel comme un déterminant symbolique 3
Symbolique, car il ne s’agit pas, à proprement parler, d’un déterminant, les éléments apparaissant dans la première ligne étant des vecteurs, pas des nombres.
Les propriétés 2 et 5 de la Proposition 1.4.2 nous disent que si \(\va\) et \(\vb \) ne sont pas colinéaires, alors \(\va \times \vb\) est orthogonal au plan engendré par \(\va\) et \(\vb\text{,}\) et sa norme est \(|\va|\, |\vb|\, \sin \theta\text{.}\) Ceci laisse encore deux choix pour le produit vectoriel. Dans la figure de gauche ci-bas, les vecteurs \(\vc\) et \(\vd\) sont des candidats potentiels. Lequel des deux choisir? La règle de la main droite fournit la réponse : lorsque vos doigts de la main droite tournent d’un angle \(\theta\) de \(\va\) jusqu’à \(\vb\text{,}\) alors votre pouce indique la direction de \(\va \times \vb\text{.}\)
La partie 5 admet une interprétation qui nous sera utile à plusieurs reprises par la suite : le produit vectoriel permet de calculer l’aire d’un parallélogramme.
Corollaire1.4.4.
Soit \(\va\) et \(\vb\) deux vecteurs dans \(\R^3\text{.}\) Alors, l’aire du parallélogramme qu’ils déterminent est \(|\va \times \vb|\text{.}\)
Démonstration.
En effet, l’aire du parallélogramme en question est donnée par le produit de la longueur d’un de ses côtés, disons \(\va\) par la distance \(h\) d’un sommet à ce côté. Cette distance vaut \(h = |\vb| \sin \theta\text{.}\)
Le volume d’un parallélépipède est le produit de l’aire de sa base par sa hauteur. On vient de voir que cette base peut être calculée au moyen d’un produit vectoriel. De plus, la hauteur n’est rien d’autre qu’une projection, donc le produit scalaire n’est pas loin. Plus précisément, nous avons le résultat suivant.
Corollaire1.4.5.Volume d’un parallélépipède : le produit mixte.
Soit \(\va, \vb\) et \(\vc\) trois vecteurs dans \(\R^3\text{.}\) Le volume du parallélépipède qu’ils déterminent est \(V = |\va \cdot (\vb \times \vc)|\text{.}\)
Démonstration.
En effet, on peut choisir comme base le parallélogramme déterminé par \(\vb\) et \(\vc\text{.}\) Soit \(\vn =\vb \times \vc\text{.}\) L’aire de la base est donc \(A= |\vn|\text{.}\) Par ailleurs, \(\vn \) est orthogonal au plan qui contient cette base. La hauteur du parallélépipède est donnée par \(h = \left| \proj_{\vn}\, \va \right| \text{.}\) Il vient alors que le volume cherché est
La première identité résulte directement du fait que lorsqu’on échange deux vecteurs dans un déterminant, celui-ci est multiplié par \(-1\text{.}\) En effet, nous avons, par définition
La preuve de la deuxième égalité n’est pas exceptionnellement difficile, il s’agit de calculer explicitement les deux côtés et remarquer qu’ils sont effectivement égaux. Nous avons d’une part
Considérons l’énoncé suivant : “Le vecteur \(\va\times(\vb\times\vc)\) est de la forme \(\a\vb+\b\vc\) pour certains nombres réels \(\a\) et \(\b\text{.}\)” Si l’affirmation est vraie, prouvez-la. Si l’affirmation est fausse, donnez un contre-exemple.
Réponse.
Vraie.
12.
Quelles conclusions géométriques pouvez-vous tirer de \(\va\cdot(\vb\times\vc)=\llt 1,2,3\rgt\) ?
Réponse.
Aucune. L’équation donnée n’a aucun sens.
13.
Quelles conclusions géométriques pouvez-vous tirer de \(\va\cdot(\vb\times\vc)=0\) ?
Réponse.
Si \(\vb\) et \(\vc\) sont parallèles, alors \(\va\cdot(\vb\times\vc)=0\) pour tout \(\va\text{.}\) Si \(\vb\) et \(\vc\) ne sont pas parallèles, alors \(\va\) doit être de la forme \(\a\vb+\b\vc\) avec \(\a\) et \(\b\) des nombres réels.
14.
Trouvez une formule pour \((\va\times\vb)\cdot(\vc\times\vd)\) qui fait intervenir les produits scalaires mais pas les produits vectoriels.
Vérifier que trois des faces sont des parallélogrammes. Sont-ils rectangulaires ?
Trouvez la longueur de \(AA'\text{.}\)
Trouvez l’aire du triangle \(ABC\text{.}\)
Trouvez le volume du prisme.
Réponse.
\(AA'B'B\) est un parallélogramme, mais n’est pas un rectangle.
\(AA'C'C\) est un rectangle.
\(BB'C'C\) est un parallélogramme, mais n’est pas un rectangle.
\(\displaystyle \sqrt{17}\)
\(\displaystyle \frac{13}{2}\)
\(\displaystyle \frac{51}{2}\)
Pour aller plus loin.
16.
Une particule \(P\) de masse unitaire dont la position dans l’espace au temps \(t\) est \(\vr(t)\) a un moment angulaire \(L(t)=\vr(t)\times\vr'(t)\text{.}\) Si \(\vr''(t)=\rho(t)\vr(t)\) pour une fonction scalaire \(\rho\text{,}\) montrez que \(L\) est constante, c’est-à-dire qu’elle ne varie pas avec le temps. Ici \('\) désigne \(\diff{}{t}\text{.}\)
17.
(Théorème de Pythagore à trois dimensions) Un corps solide dans l’espace avec exactement quatre sommets est appelé un tétraèdre. Soit \(A\text{,}\)\(B\text{,}\)\(C\) et \(D\) les aires des quatre faces d’un tétraèdre. Supposons que les trois arêtes se rejoignant au sommet opposé à la face d’aire \(D\) sont perpendiculaires l’une à l’autre. Montrez que \(D^2=A^2+B^2+C^2\text{.}\)
Réponse.
Voir la solution.
18.
(Loi des cosinus en trois dimensions) Soient \(A\text{,}\)\(B\text{,}\)\(C\) et \(D\) les aires des quatre faces d’un tétrahèdre. Soit \(\a\) l’angle entre les faces d’aires \(B\) et \(C\text{,}\) soit \(\b\) l’angle entre les faces d’aires \(A\) et \(C\) et soit \(\g\) l’angle entre les faces d’aires \(A\) et \(B\text{.}\) (Par définition, l’angle entre deux faces est l’angle entre les vecteurs normaux aux faces). Montrez que