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Section 5.1 Équations avec conditions au bord

Sous-section Valeurs au bord

Avant de s’attaquer aux séries de Fourier, on va étudier les problèmes à valeurs au bord (ou à valeurs limites). On considère
\begin{equation*} x'' + \lambda x = 0, x(a) = 0, x(b) = 0 \end{equation*}
pour une certaine constante \(\lambda\text{,}\)\(x(t)\) prend ses valeurs \(t\) dans l’intervalle \([a,b]\text{.}\) Précédemment, on a spécifié la valeur de la solution et de sa dérivée en un point. Maintenant, on veut spécifier la valeur de la solution à deux points différents. Lorsque \(x=0\) est une solution, l’existence de la solution n’est pas problématique. Par contre, l’unicité de la solution est une autre question. La solution générale de \(x'' + \lambda x = 0\) a deux constantes arbitraires
 1 
On regarde le paragraphe, ou l’Exemple 3.2.3 et l’Exemple 3.2.11.
. C’est naturel (mais faux) de croire qu’exiger deux solutions garantit l’unicité.

Exemple 5.1.1.

Prenons \(\lambda = 1\text{,}\) \(a=0\text{,}\) \(b=\pi\text{.}\) Ceci donne :
\begin{equation*} x'' + x = 0, x(0) = 0, x(\pi) = 0\text{.} \end{equation*}
Alors, \(x = \sin t\) est une autre solution (qui s’ajoute à \(x=0\)) satisfaisant aux conditions limites. Il y a plus. Écrivons la solution générale de l’équation différentielle, qui est \(x= A \cos t + B \sin t\text{.}\) La condition \(x(0) = 0\) implique que \(A=0\text{.}\) La contrainte \(x(\pi) = 0\) ne donne pas plus d’information lorsque \(x = B \sin t\) satisfait déjà aux conditions limites. Par conséquent, il y a une infinité de solutions de la forme \(x = B \sin t\text{,}\)\(B\) est une constante arbitraire.

Exemple 5.1.2.

Posons maintenant \(\lambda = 2\) :
\begin{equation*} x'' + 2 x = 0, x(0) = 0, x(\pi) = 0\text{.} \end{equation*}
Alors, la solution générale est \(x= A \cos ( \sqrt{2}\,t) + B \sin ( \sqrt{2}\,t)\text{.}\) La contrainte \(x(0) = 0\) implique encore que \(A = 0\text{.}\) On applique la seconde condition pour trouver \(0=x(\pi) = B \sin ( \sqrt{2}\,\pi)\text{.}\) Lorsque \(\sin ( \sqrt{2}\,\pi) \not= 0\text{,}\) on obtient \(B = 0\text{.}\) Donc, \(x=0\) est l’unique solution à ce problème.
Que se passe-t-il ? On aimerait savoir quelles constantes \(\lambda\) permettent une solution non nulle et l’on s’intéressera à trouver ces solutions. Ce problème est analogue à trouver les valeurs propres et les vecteurs propres des matrices.

Sous-section Problèmes de valeurs propres

Pour la théorie de base des séries de Fourier, on a besoin des trois problèmes de valeurs propres suivants :
\begin{equation} x'' + \lambda x = 0, x(a) = 0, x(b) = 0\text{,}\tag{5.1.1} \end{equation}
\begin{equation} x'' + \lambda x = 0, x'(a) = 0, x'(b) = 0\tag{5.1.2} \end{equation}
et
\begin{equation} x'' + \lambda x = 0, x(a) = x(b), x'(a) = x'(b)\text{.}\tag{5.1.3} \end{equation}
Un nombre \(\lambda\) est appelé une valeur propre de (5.1.1) (resp. (5.1.2) ou (5.1.3)) si et seulement s’il existe une solution non nulle (non identiquement nulle) à (5.1.1) (resp. (5.1.2) ou (5.1.3)) donnée par un \(\lambda\) spécifique. Une solution non nulle est appelée fonction propre correspondante.
On note la similarité avec les valeurs propres et les vecteurs propres de matrices. La similarité n’est pas une simple coïncidence. Par exemple, soit \(L = -\frac{d^2}{{dt}^2}\) un opérateur linéaire. Une fonction propre pour \(L\) sera une fonction \(x(t)\) non nulle telle que \(Lx = \lambda x\text{,}\) pour un certain \(\lambda\text{,}\) qui sera alors une valeur propre de l’opérateur \(L\text{.}\)
En d’autres mots, on pense à l’équation différentielle comme à un opérateur différentiel, et à une fonction \(x(t)\) comme à un vecteur avec une infinité de composantes (une pour chaque \(t\)). Une fonction propre sera une fonction non nulle \(x\) qui satisfait à \((L- \lambda)x = 0\text{.}\) Il y a beaucoup de formalisme provenant de l’algèbre linéaire qui s’applique ici, mais on ne poursuivra pas cette réflexion trop loin.

Exemple 5.1.3.

Trouvons les valeurs propres et les fonctions propres de
\begin{equation*} x'' + \lambda x = 0, x(0) = 0, x(\pi) = 0\text{.} \end{equation*}
On doit considérer chacun des cas suivants séparément, \(\lambda > 0\text{,}\) \(\lambda = 0\text{,}\) \(\lambda \lt 0\text{,}\) puisque la solution générale est différente dans les trois cas. D’abord, on suppose que \(\lambda > 0\text{.}\) Alors, la solution générale à \(x''+\lambda x = 0\) est
\begin{equation*} x = A \cos ( \sqrt{\lambda}\, t) + B \sin ( \sqrt{\lambda}\, t)\text{.} \end{equation*}
La condition \(x(0) = 0\) implique immédiatement que \(A = 0\text{.}\) Ensuite,
\begin{equation*} 0 = x(\pi) = B \sin ( \sqrt{\lambda}\, \pi )\text{.} \end{equation*}
Si \(B\) est nul, alors \(x\) est une solution nulle. Alors, pour obtenir une solution non nulle, on doit avoir que \(\sin ( \sqrt{\lambda}\, \pi) = 0\text{.}\) Donc, \(\sqrt{\lambda}\, \pi\) doit être un entier multiple de \(\pi\text{.}\) En d’autres mots, \(\sqrt{\lambda} = k\) pour un entier positif \(k\text{.}\) Ainsi, les valeurs propres positives sont \(k^2\) pour tous les entiers \(k \geq 1\text{.}\) Les fonctions propres correspondantes peuvent être vues comme \(x=\sin (k t)\text{.}\) Tout comme les vecteurs propres, les multiples d’une fonction propre sont des fonctions propres.
On suppose que \(\lambda = 0\text{.}\) Dans ce cas, l’équation est \(x'' = 0\text{,}\) et sa solution générale est \(x = At + B\text{.}\) La condition \(x(0) = 0\) implique que \(B=0\text{,}\) et \(x(\pi) = 0\) implique que \(A = 0\text{,}\) ce qui signifie que \(\lambda = 0\) n’est pas une valeur propre.
Finalement, on suppose que \(\lambda \lt 0\text{.}\) Dans ce cas, on a la solution générale
 2 
Rappelons que \(\cosh s = \frac{1}{2}(e^s+e^{-s})\) et \(\sinh s = \frac{1}{2}(e^s-e^{-s})\text{.}\) En exercice, faites à nouveau les calculs avec la solution générale écrite comme \(x = A e^{\sqrt{-\lambda}\, t} + B e^{-\sqrt{-\lambda}\, t}\) (pour différents \(A\) et \(B\) évidemment).
\begin{equation*} x = A \cosh ( \sqrt{-\lambda}\, t) + B \sinh ( \sqrt{-\lambda}\, t )\text{.} \end{equation*}
Si \(x(0) = 0\text{,}\) ça implique que \(A = 0\) (on se rappelle que \(\cosh 0 = 1\) et \(\sinh 0 = 0\)). Alors, la solution devrait être \(x = B \sinh ( \sqrt{-\lambda}\, t )\) et devrait satisfaire à \(x(\pi) = 0\text{,}\) ce qui est possible uniquement si \(B\) est nul. Pourquoi? Parce que \(\sinh \xi\) est seulement zéro lorsque \(\xi=0\text{.}\) On devrait calculer sinh pour voir ce fait. On peut aussi le voir de la définition de sinh. On obtient \(0 = \sinh \xi = \frac{e^\xi - e^{-\xi}}{2}\text{.}\) Donc, \(e^\xi = e^{-\xi}\text{,}\) ce qui implique que \(\xi = -\xi\text{,}\) ce qui est seulement vrai si \(\xi=0\text{.}\) Par conséquent, il n’y a pas de valeurs propres négatives.
En somme, les valeurs propres et les fonctions propres correspondantes sont
\begin{equation*} \lambda_k = k^2 \text{ avec fonction propre } x_k = \sin (k t) \text{ pour tous les entiers } k \geq 1\text{.} \end{equation*}

Exemple 5.1.4.

Calculons les valeurs propres et les fonctions propres de
\begin{equation*} x'' + \lambda x = 0, x'(0) = 0, x'(\pi) = 0\text{.} \end{equation*}
Encore une fois, on doit considérer séparément les trois cas suivants : \(\lambda > 0\text{,}\) \(\lambda = 0\text{,}\) \(\lambda \lt 0\text{.}\) D’abord, on suppose que \(\lambda > 0\text{.}\) La solution générale est alors \(x = A \cos ( \sqrt{\lambda}\, t) + B \sin ( \sqrt{\lambda}\, t)\text{.}\) Sa dérivée est :
\begin{equation*} x' = -A\sqrt{\lambda}\, \sin ( \sqrt{\lambda}\, t) + B\sqrt{\lambda}\, \cos (\sqrt{\lambda}\, t)\text{.} \end{equation*}
La condition \(x'(0) = 0\) implique immédiatement que \(B = 0\text{.}\) Ensuite,
\begin{equation*} 0 = x'(\pi) = -A\sqrt{\lambda}\, \sin ( \sqrt{\lambda}\, \pi)\text{.} \end{equation*}
Encore une fois, \(A\) ne peut pas être nul si \(\lambda\) est une valeur propre, et \(\sin ( \sqrt{\lambda}\, \pi)\) est identiquement nul lorsque \(\sqrt{\lambda} = k\text{,}\)\(k\) est un nombre entier positif. Donc, les valeurs propres positives sont encore \(k^2\) pour tous les entiers \(k \geq 1\text{,}\) et les fonctions propres correspondantes peuvent être prises comme \(x=\cos (k t)\text{.}\)
Maintenant, on suppose que \(\lambda = 0\text{.}\) Dans ce cas, l’équation est \(x'' = 0\text{,}\) et la solution générale est \(x = At + B\) et donc \(x' = A\text{.}\) La condition \(x'(0) = 0\) implique que \(A=0\text{.}\) La condition \(x'(\pi) = 0\) implique aussi que \(A=0\text{.}\) Ainsi, \(B\) pourrait être n’importe quoi (choisissons 1). Alors, \(\lambda = 0\) est une valeur propre, et \(x=1\) est la fonction propre correspondante.
Finalement, soit \(\lambda \lt 0\text{.}\) Dans ce cas, la solution générale est \(x = A \cosh ( \sqrt{-\lambda}\, t) + B \sinh ( \sqrt{-\lambda}\, t)\text{,}\) et
\begin{equation*} x' = A\sqrt{-\lambda}\, \sinh ( \sqrt{-\lambda}\, t) + B\sqrt{-\lambda}\, \cosh ( \sqrt{-\lambda}\, t )\text{.} \end{equation*}
On a déjà vu (avec les rôles de \(A\) et de \(B\) inversés) que, pour que cette expression soit nulle à \(t=0\) et \(t=\pi\text{,}\) on doit avoir \(A=B=0\text{.}\) Ainsi, il n’y a pas de valeur propre négative.
En somme, les valeurs propres positives et leurs fonctions propres correspondantes sont
\begin{equation*} \lambda_k = k^2 \text{ avec fonction propre } x_k = \cos (k t) \text{ pour tous les entiers } k \geq 1\text{,} \end{equation*}
et, de plus, il y a une autre valeur propre :
\begin{equation*} \lambda_0 = 0 \qquad \text{ avec fonction propre } \qquad x_0 = 1\text{.} \end{equation*}
Le problème suivant est celui qui a mené à la série de Fourier générale.

Exemple 5.1.5.

Calculons les valeurs propres et les fonctions propres de
\begin{equation*} x'' + \lambda x = 0, x(-\pi) = x(\pi), x'(-\pi) = x'(\pi)\text{.} \end{equation*}
On n’a pas de valeur spécifique de fonction ou de dérivée aux extrémités, mais elles sont les mêmes au début et à la fin de l’intervalle.
On va passer le cas \(\lambda \lt 0\text{.}\) Les calculs sont les mêmes que précédemment, et l’on trouve encore qu’il n’y a pas de valeur propre négative.
Pour \(\lambda = 0\text{,}\) la solution générale est \(x = At + B\text{.}\) La condition \(x(-\pi) = x(\pi)\) implique que \(A=0\) (\(A\pi + B = -A\pi +B\) implique que \(A=0\)). La seconde condition \(x'(-\pi) = x'(\pi)\) ne dit rien à propos de \(B\text{,}\) et donc \(\lambda=0\) est une valeur propre avec les fonctions propres correspondantes \(x=1\text{.}\)
Pour \(\lambda > 0\text{,}\) on a que \(x = A \cos ( \sqrt{\lambda}\, t ) + B \sin ( \sqrt{\lambda}\, t)\text{.}\) Maintenant,
\begin{equation*} \underbrace{A \cos (-\sqrt{\lambda}\, \pi) + B \sin (-\sqrt{\lambda}\, \pi)}_{x(-\pi)} = \underbrace{A \cos ( \sqrt{\lambda}\, \pi ) + B \sin ( \sqrt{\lambda}\, \pi)}_{x(\pi)}\text{.} \end{equation*}
On se rappelle que \(\cos (- \theta) = \cos (\theta)\) et \(\sin (-\theta) = - \sin (\theta)\text{.}\) Donc,
\begin{equation*} A \cos (\sqrt{\lambda}\, \pi) - B \sin ( \sqrt{\lambda}\, \pi) = A \cos (\sqrt{\lambda}\, \pi) + B \sin ( \sqrt{\lambda}\, \pi)\text{.} \end{equation*}
Donc, ou bien \(B=0\text{,}\) ou bien \(\sin ( \sqrt{\lambda}\, \pi) = 0\text{.}\) De manière semblable à l’exemple précédent (exercice), si l’on dérive \(x\) et qu’on le remplace dans la seconde condition, on trouve que \(A=0\) ou que \(\sin ( \sqrt{\lambda}\, \pi) = 0\text{.}\) Ainsi, à moins que \(A\) et \(B\) soient tous deux nuls (ce qu’on ne veut pas), on doit avoir \(\sin ( \sqrt{\lambda}\, \pi ) = 0\text{.}\) Donc, \(\sqrt{\lambda}\) est un entier, et les valeurs propres sont encore \(\lambda = k^2\) pour un entier \(k \geq 1\text{.}\) Dans ce cas, toutefois, \(x = A \cos (k t) + B \sin (k t)\) est une fonction propre pour tout \(A\) et pour tout \(B\text{.}\) Par conséquent, on a deux fonctions propres linéairement indépendantes : \(\sin (kt)\) et \(\cos (kt)\text{.}\)
On se rappelle que, pour une matrice, on peut aussi avoir deux vecteurs propres correspondant à une valeur propre simple si la valeur propre est répétée.
En somme, les valeurs propres et les fonctions propres sont
\begin{align*} \amp \lambda_k = k^2 \amp \amp \text{ avec fonctions propres } \amp \amp \cos (k t) \text{ et } \sin (k t) \amp \amp \text{ pour tous les entiers } k \geq 1 ,\\ \amp \lambda_0 = 0 \amp \amp \text{ avec fonction propre } \amp \amp x_0 = 1\text{.} \end{align*}

Sous-section Orthogonalité des fonctions propres

Une chose qui sera très utile dans la prochaine section est la propriété d’orthogonalité des fonctions propres. C’est analogue aux vecteurs propres d’une matrice. Une matrice est symétrique si \(A = A^T\) (est égale à sa transposée). Les vecteurs propres de deux valeurs propres distinctes d’une matrice symétrique sont orthogonaux. L’opérateur différentiel que l’on considère agit plutôt comme une matrice symétrique. Ainsi, on obtient le théorème suivant.
La terminologie vient du fait que l’intégrale est un type de produit scalaire. On précisera ce sujet dans la prochaine section. Le théorème a une preuve très petite, élégante et éclairante qui est présentée ici. D’abord, on a les deux équations suivantes :
\begin{equation*} x_1'' + \lambda_1 x_1 = 0 \qquad \text{ et } \qquad x_2'' + \lambda_2 x_2 = 0\text{.} \end{equation*}
On multiplie la première par \(x_2\) et la seconde par \(x_1\text{,}\) et l’on substitue pour obtenir
\begin{equation*} (\lambda_1 - \lambda_2) x_1 x_2 = x_2'' x_1 - x_2 x_1''\text{.} \end{equation*}
Maintenant, on intègre des deux côtés de l’équation :
\begin{equation*} \begin{split} (\lambda_1 - \lambda_2) \int_a^b x_1 x_2 \,dt \amp = \int_a^b x_2'' x_1 - x_2 x_1'' \,dt \\ \amp = \int_a^b \frac{d}{dt} \left( x_2' x_1 - x_2 x_1' \right) \,dt \\ \amp = \Bigl[ x_2' x_1 - x_2 x_1' \Bigr]_{t=a}^b = 0 . \end{split} \end{equation*}
La dernière égalité tient en raison des conditions aux limites. Par exemple, si l’on considère (5.1.1), on a \(x_1(a) = x_1(b) = x_2(a) = x_2(b) = 0\text{,}\) et alors \(x_2' x_1 - x_2 x_1'\) est nul pour \(a\) et pour \(b\text{.}\) Lorsque \(\lambda_1 \not= \lambda_2\text{,}\) le théorème suit.

Exercice 5.1.7. facile.

Terminez la preuve du théorème (vérifiez la dernière égalité de la preuve) pour les cas (5.1.2) et (5.1.3).
La fonction \(\sin (n t)\) est une fonction propre pour l’équation \(x''+\lambda x = 0\text{,}\) \(x(0) = 0\text{,}\) \(x(\pi) = 0\text{.}\) Donc, pour les entiers positifs \(n\) et \(m\) :
\begin{equation*} \int_{0}^\pi \sin (mt) \sin (nt) \,dt = 0 , \text{ lorsque } m \not = n\text{.} \end{equation*}
De manière similaire,
\begin{equation*} \int_{0}^\pi \cos (mt) \cos (nt) \,dt = 0 , \text{ lorsque } m \not = n, \qquad \text{ et } \qquad \int_{0}^\pi \cos (nt) \,dt = 0\text{.} \end{equation*}
Et finalement, on obtient aussi
\begin{equation*} \int_{-\pi}^\pi \sin (mt) \sin (nt) \,dt = 0 , \text{ lorsque } m \not = n, \qquad \text{ et } \qquad \int_{-\pi}^\pi \sin (nt) \,dt = 0\text{,} \end{equation*}
\begin{equation*} \int_{-\pi}^\pi \cos (mt) \cos (nt) \,dt = 0 , \text{ lorsque } m \not = n, \qquad \text{ et } \qquad \int_{-\pi}^\pi \cos (nt) \,dt = 0\text{,} \end{equation*}
et
\begin{equation*} \int_{-\pi}^\pi \cos (mt) \sin (nt) \,dt = 0 \qquad \text{ (même si \(m=n\)). } \end{equation*}

Sous-section Alternative de Fredholm

On arrive maintenant à un théorème très utile des équations différentielles. Le théorème pourrait être plus général que ce qu’on présentera, mais, pour les objectifs actuels, il sera suffisant. On en donnera une version un peu plus générale plus tard.
Le théorème est également vrai pour les autres types de conditions au bord que nous avons considérées. Le théorème veut dire que si \(\lambda\) n’est pas une valeur propre, l’équation non homogène (5.1.5) a une solution unique pour tous les côtés droits. Autrement dit, si \(\lambda\) est une valeur propre, alors (5.1.5) n’a pas besoin d’avoir une solution pour tous les \(f\) et, en plus, même s’il y a une solution, la solution n’est pas unique.
Nous voulons également renforcer l’idée que les opérateurs différentiels linéaires ont beaucoup en commun avec les matrices. Il n’est donc pas surprenant qu’il existe une version de dimension finie de l’alternative de Fredholm pour les matrices également. On a \(A\) une matrice \(n \times n\text{.}\) L’alternative de Fredholm dit que \((A-\lambda I) \vec{x} = \vec{0}\) a une solution non triviale, ou que \((A-\lambda I) \vec{x} = \vec{b}\) a une solution unique pour tout \(\vec{b}\text{.}\)
Beaucoup d’intuition de l’algèbre linéaire peut être appliquée aux opérateurs différentiels linéaires, mais il faut bien faire preuve de prudence. Par exemple, une différence que nous avons déjà vue est que, en général, un opérateur différentiel aura une infinité de valeurs propres, tandis qu’une matrice n’en a qu’un nombre fini.

Sous-section Application

Considérons une application physique. On suppose avoir un élastique très tendu qui tourne rapidement ou une corde de densité linéaire uniforme \(\rho\text{,}\) par exemple, en kg/m. Mettons ce problème dans un plan \(xy\) avec \(x\) et \(y\) en mètres. L’axe des \(x\) représente la position de la corde. La corde tourne, et la vitesse angulaire est \(\omega\text{,}\) mesurée en radians/s. Imaginez que l’entièreté du plan \(xy\) tourne à une vitesse angulaire \(\omega\text{.}\) De cette manière, la corde reste dans le plan \(xy\text{,}\) et \(y\) mesure sa déviation par rapport à la position d’équilibre, \(y=0\text{,}\) sur l’axe des \(x\text{.}\) Ainsi, le graphe de \(y\) donne la forme de la corde. On considère une corde idéale qui n’a pas de volume, juste une courbe mathématique. On suppose que la tension de la corde est une constante \(T\) en newtons. En supposant que la déviation est petite, nous pouvons utiliser la deuxième loi de Newton (nous n’en faisons pas la démonstration) pour obtenir l’équation suivante :
\begin{equation*} T y'' + \rho \omega^2 y = 0\text{.} \end{equation*}
Pour vérifier les unités, notez que les unités de \(y''\) sont m/m\(^2\) lorsqu’on dérive par rapport à \(x\text{.}\)
La corde est de longueur \(L\) (en mètres) et est fixée aux deux extrémités. Alors, \(y(0) = 0\) et \(y(L) = 0\text{.}\) Voir la Figure 5.1.9.
Figure 5.1.9. Corde tournante.
On réécrit l’équation : \(y'' + \frac{\rho \omega^2}{T} y = 0\text{.}\) La configuration est semblable à l’Exemple 5.1.3, sauf que la longueur de l’intervalle est \(L\) plutôt que \(\pi\text{.}\) On cherche les valeurs propres de \(y'' + \lambda y = 0, y(0) = 0, y(L) = 0\text{,}\)\(\lambda = \frac{\rho \omega^2}{T}\text{.}\) Comme précédemment, il n’y a pas de valeur propre négative. Avec \(\lambda > 0\text{,}\) la solution générale à cette équation est \(y = A \cos ( \sqrt{\lambda} \,x ) + B \sin ( \sqrt{\lambda} \,x )\text{.}\) La condition \(y(0) = 0\) implique que \(A = 0\) comme précédemment. La condition \(y(L) = 0\) implique que \(\sin ( \sqrt{\lambda} \, L) = 0\text{,}\) et ainsi \(\sqrt{\lambda} \, L = k \pi\) pour un certain entier \(k > 0\text{,}\) alors
\begin{equation*} \frac{\rho \omega^2}{T} = \lambda = \frac{k^2 \pi^2}{L^2}\text{.} \end{equation*}
Qu’est-ce que cela dit sur la forme de la corde? Cela dit que, pour tous les paramètres \(\rho\text{,}\) \(\omega\text{,}\) \(T\) qui ne satisfont pas à cette condition, la corde demeure dans sa position d’équilibre, \(y=0\text{.}\) Mais lorsque \(\frac{\rho \omega^2}{T} = \frac{k^2 \pi^2}{L^2}\text{,}\) alors la corde “sortira” d’une distance \(B\text{.}\) On ne peut pas calculer \(B\) avec les informations que l’on a.
On suppose que \(\rho\) et \(T\) sont fixes et l’on fait varier \(\omega\text{.}\) Pour la plupart des valeurs de \(\omega\text{,}\) la corde est à l’état d’équilibre. Lorsque la vitesse angulaire \(\omega\) atteint une valeur \(\omega = \frac{k \pi \sqrt{T}}{L\sqrt{\rho}}\text{,}\) alors la corde sort et a la forme d’une vague sinusoïdale croisant l’axe des \(x\) \(k-1\) fois entre les extrémités. Par exemple, à \(k=1\text{,}\) la corde ne croise pas l’axe des \(x\text{,}\) et la forme ressemble à la Figure 5.1.9 plus haut. D’un autre côté, lorsque \(k=3\text{,}\) la corde croise l’axe des \(x\) deux fois. On le voit dans la Figure 5.1.10. Lorsque \(\omega\) change encore, la corde retourne à sa position d’équilibre. Plus la vitesse angulaire est élevée, plus la corde croisera l’axe des \(x\) lorsqu’elle sortira.
Figure 5.1.10. Corde tournante à la troisième valeur propre (\(k=3\)).
Pour un autre exemple, si l’on a une corde à sauter qui tourne (alors \(k=1\) lorsqu’elle sort “complètement” ) et que l’on tire sur les extrémités pour augmenter la tension, alors la vitesse augmente pour que la corde reste “sortie”.

Exercices Exercices

Astuce pour les exercices suivants : notez que lorsque \(\lambda > 0\text{,}\) alors \(\cos \bigl( \sqrt{\lambda}\, (t - a) \bigr)\) et \(\sin \bigl( \sqrt{\lambda}\, (t - a) \bigr)\) sont aussi des solutions de l’équation homogène.

1.

Calculez toutes les valeurs propres et toutes les fonctions propres de \(x'' + \lambda x = 0, ~ x(a) = 0, ~ x(b) = 0\) (supposez que \(a \lt b\)).

2.

Calculez toutes les valeurs propres et toutes les fonctions propres de \(x'' + \lambda x = 0, ~ x'(a) = 0, ~ x'(b) = 0\) (supposez que \(a \lt b\)).

3.

Calculez toutes les valeurs propres et toutes les fonctions propres de \(x'' + \lambda x = 0, ~ x'(a) = 0, ~ x(b) = 0\) (supposez que \(a \lt b\)).

4.

Calculez toutes les valeurs propres et toutes les fonctions propres de \(x'' + \lambda x = 0, ~ x(a) = x(b), ~ x'(a) = x'(b)\) (supposez que \(a \lt b\)).

5.

On ne considérera pas le cas \(\lambda \lt 0\) pour la valeur à l’extrêmité du problème f \(x'' + \lambda x = 0, ~ x(-\pi) = x(\pi), ~ x'(-\pi) = x'(\pi)\text{.}\) Terminez le calcul et montrez qu’il n’y a pas de valeur propre négative.

6.

Considérez une corde, de longueur 2, de densité linéaire de 0,1 et de tension 3, qui tourne. Trouvez la plus petite vitesse angulaire permettant à la corde de sortir.
Réponse.
\(\omega = \pi \sqrt{\frac{15}{2}}\)

7.

Supposez que \(x'' + \lambda x = 0\) et \(x(0)=1\text{,}\) \(x(1) = 1\text{.}\) Trouvez tous les \(\lambda\) pour lesquels il y a plus d’une solution. Trouvez aussi les solutions correspondantes (seulement pour les valeurs propres).
Réponse.
\(\lambda_k = 4 k^2 \pi^2\) pour \(k = 1,2,3,\ldots\) \(x_k = \cos (2k\pi t) + B \sin (2k\pi t)\) (pour tout \(B\))

8.

Supposez que \(x'' + x = 0\) et \(x(0)=0\text{,}\) \(x'(\pi) = 1\text{.}\) Trouvez toute(s) les solution(s) si elles existent.
Réponse.
\(x(t) = - \sin(t)\)

9.

Considerez \(x' + \lambda x = 0\) et \(x(0)=0\text{,}\) \(x(1) = 0\text{.}\) Pourquoi il n’y a pas de valeurs propres? Pourquoi toutes les équation de premier ordre avec deux conditions au bord comme ci-haut n’ont pas de valeurs propres?
Réponse.
La solution générale est \(x = C e^{-\lambda t}\text{.}\) Depuis que \(x(0) = 0\) alors \(C=0\text{,}\) et alors \(x(t) = 0\text{.}\) Ainsi, la solution est toujours identiquement nulle. Une condition est toujours suffisante pour garantir une solution unique pour une équation de premier ordre.

10. défi.

Supposez que \(x''' + \lambda x = 0\) et \(x(0)=0\text{,}\) \(x'(0) = 0\text{,}\) \(x(1) = 0\text{.}\) Supposez que \(\lambda > 0\text{.}\) Trouvez une équation à laquelle toutes les valeurs propres satisferont. Astuce : Notez que \(-\sqrt[3]{\lambda}\) est une racine de \(r^3+\lambda = 0\text{.}\)
Réponse.
\(\frac{\sqrt{3}}{3} e^{\frac{-3}{2}\sqrt[3]{\lambda}} - \frac{\sqrt{3}}{3} \cos \bigl( \frac{\sqrt{3}\, \sqrt[3]{\lambda}}{2} \bigr) + \sin \bigl( \frac{\sqrt{3}\, \sqrt[3]{\lambda}}{2}\bigr) = 0\)